Mlomp, 8 décembre
À quelques coups de pédales de Djilapao (40km tout de même), par la piste en latérite, se trouve Mlomp. Nous sommes reçus dans la famille de Thiouck Thiouck en début d’après-midi. Il faut savoir prendre le temps des présentations auprès de cette grande famille : l’épouse Souédo, la tante, la grand-mère, les enfants Aba, Ismaéla et Mariama ainsi que les membres plus éloignés – frères, oncles et tantes du reste du pâté de maison. Ici une famille s’entend au sens très large du terme. Souleyman, l’un des oncles, nous dira que la famille africaine est telle une torche qui s’allume au centre mais éclaire tout autour.
Néanmoins, il nous reste suffisamment de temps pour faire une escapade dans les riziéres, assister à la construction par tous les hommes du quartier d’une maison en banco (uniquement du sable argileux mélangé à de l’eau). On notera que cette nouvelle maison est reconstruite sur les fondations de l’ancienne et en réutilisant la matière première (opération à renouveler tout les 30 ans environ). On organise également notre transfert en pirogue jusqu’aux îles Karone (notre prochaine étape) et on répare le vélo d’Omar alias Omzil qui se propose pour nous accompagner dans notre parcours insulaire. On rencontre l’incontournable chef de village et on organise enfin une séance dans le quartier de Kawaguir, dépourvu d’électricité.
Ouf ! Dure journée. Il est 22h30, la projection terminée, nous nous retrouvons à la veillée. Hommes et femmes sont réunis dans le patio, assis sur des bancs. Une lumière blafarde éclaire l’assemblée (ce quartier de Mlomp est désormais électrifié). La douceur de la soirée s’installe. Une ambiance apaisante qui incite à la conversation, mélange de dioula (dialecte local) ponctué d’expressions en français. Tantôt sérieux, tantôt moqueurs, les sujets ne manquent pas pour alimenter les palabres.
Dans un coin, Omzil s’active à la préparation du thé. Entre la voix grave du chef de famille et les rires plus aigus des femmes, le gargouillis de la théière berce la soirée au rythme des trois thés. Doucement, la maison s’endort, la famille s’endort, le quartier s’endort, le village s’endort.
Kouba, 10 décembre
11h, la pirogue arrive au débarcadère de Mlomp. La stature imposante d’Ibrahima, notre capitaine, trahi son passé de lutteur. Cette force de la nature est capable de transporter un moteur de 15 CV sur la tête et un bidon de 20 litres d’essence à bout de bras. Charger les trois vélos et les bagages ne sont qu’une simple formalité d’autant que nous lui prêtons main forte.
Après deux heures de navigation et quelques parties de UNO, nous accostons à Kouba.
Le rituel reprend. Direction la demeure du chef de village. Où est-il ? On le prévient. Mais en attendant, voici des tabourets, asseyez-vous. Ah, le voici, après les longues formules de politesse d’usage, Vincent en vient au fait et explique les raisons de notre présence. Thiouck, qui nous avait accompagné jusque là s’en retourne avec le piroguié pour une nuit de pêche après nous avoir confié aux bons soins d’Honoré, le fils du chef, notre nouveau tuteur.
Un petit tour du petit village pour prévenir les habitants et il est déjà temps de procéder à l’installation. Omzil s’implique pleinement et nous donne un sérieux coup de main que ce soit au niveau de la communication qui passe plus facilement en dialecte dioula ou sur le plan de la mise en place du matériel. Belle projection devant plus d’une centaine de personnes avec en point d’orgue, les deux sujets phares : le charbon de paille et les foyers améliorés.
Hilol, 11 décembre
Le lendemain, nous quittons Kouba pour Hilol à peine distant de deux kilomètres, mais deux kilomètres de sentier sablonneux tout de même !!! Nous nous acquittons des formalités habituelles hormis que cette fois-ci, le chef de village nous alloue deux tuteurs, Jérôme et Ernest. La journée se déroule nonchalamment entre la préparation du thé par Vincent et Omzil, la confection de jus de ditakh (fruit vert acidulé à noyau dont il convient de gruger la pulpe avec les dents, à peine épaisse de quelques millimètre) et les jeux avec les enfants.
La projection peut commencer. Mais ce soir gare aux « mouth mouth » (sorte de très petits moustiques mais encore plus voraces que leurs congénères), le public s’en préserve comme il peut même si leur nombre décuple, attirés par la lueur de l’écran. Grosse soirée puisque 150 personnes assisteront à cette projection dans ce village insulaire qui ne compte qu’une trentaine de cases.
Kouba, 12 décembre
Matinée pêche, notre quintet (Vincent, Omzil, Papis, Ernest et Alain) part confiant vers le bolong. Néanmoins, nous avons pris soin de commander un poulet à titre préventif.
Avant d’embarquer et de pagayer sur la petite pirogue, il faut aller débusquer au milieu de la mangrove replantée (programme Océanium) les crabes qui serviront d’appâts. Nous embarquons et cherchons l’équilibre dans cette pirogue instable faite d’un seul tronc de fromager.
Piètre résultat, après quatre heures à lancer et ramener la ligne, seulement quatre ersatz de poissons… Nous allons être, à n’en pas douter, la risée du village. Et ça n’a pas manqué.
Une autre anecdote, c’est notre tentative avortée de préparer le thé sur l’étroite pirogue. Dans un mouvement trop brusque, on déstabilise l’embarcation et la théière se renverse. Journée Bérézina, gageons que la projection à notre retour sur Kouba ne le soit pas.
C’est toujours un plaisir de retourner dans un village déjà visité. On vous nomme par votre prénom comme si vous étiez un membre de la communauté. En nous voyant revenir sur nos vélos, les enfants de Kouba accourent en chantant, de concert « etoubabo kerone île » (les blancs des Karone).
Juste avant le début de soirée nous allons assister au derby de football Hilol / Kouba. 1-1 : l’honneur est sauf. Une rivalité tenace qui poussa Kouba à prendre comme surnom « la France » le jour où Hilol se décréta être « le petit Paris »
Après le démontage de l’installation, nous préparons le repas et le campement. Demain il nous faudra prendre la pirogue du retour vers 7 heures pour bénéficier de la marée.
Mlomp, 13 décembre
Une particularité de Mlomp est la présence d’un élevage d’autruches provenant d’Afrique du Sud, mis en place par une Finlandaise résidant là depuis 15 ans.
Alors pour ce soir, après la projection, nous décidons de préparer un festin, bolognaise d’autruche et crêpes (tout au feu de bois et charbon). Pour faire les choses dans les règles de l’art, Souédo dresse une table en notre honneur et nous mangerons dans des assiettes. Voilà quatre semaines que nous nous étions convertis à piocher dans le plat commun posé à même le sol comme on le fait traditionnellement au Sénégal.
Cette dernière soirée de projection se termine en famille, avec une sympathique tournée de UNO bien méritée après ces huit séances de projections que nous venons d’enchaîner.
Voilà, la tournée Casamance arrive à son terme. Première des 6 régions du Cinécyclo Tour du Sénégal.
Au bilan
- Un accueil fabuleux,
- 346 km parcourus,
- 4h30 de pirogue,
- 25 projections,
- Plus de 2000 spectateurs,
- 2 foyers améliorés construits,
- 0 crevaison
- Des moments forts avec la famille de César, l’accueil du village de Dioer, l’orphelinat de Cabrousse, Bailo de DiakenWolof, Ibrahima et Aliou de Coubalan, l’accueil de Djilapao et enfin la famille de Thiouck et l’implication d’Omzil.
- Une trentaine de fiches pour la construction des foyers améliorés ont été distribuée.
Il y a un intérêt très net des populations pour le charbon de paille (cf vidéo de l’association Nebedaye) dont les enjeux majeurs ont parfaitement été perçus (prévention des feux de brousse et déforestation domestique).
Prochain stop, la ville de Bignona où nous ferons étape avant d’entamer la longue route qui nous sépare de notre prochaine région : Tambacounda.
Bravo et merci cinecyclo, ce blog est passionnant et les photos sont superbes. Vous nous faites rêver! Dierediof!