Entre latérite et rizières

Dioer

Après une soirée étape à Oussouye, nous retournons à Dioer. À notre arrivée en début d’après-midi, nous sommes heureux de retrouver, Raoul le chef du village et César notre hôte.

Lors d’une longue conversation Raoul se confie sur les évènements qui marquèrent la Casamance entre 1982 et la fin des années 2010. Les populations vivaient alors dans la terreur des razzias des indépendantistes et des représailles des forces gouvernementales qui les accusaient de coopérer. Une anecdote retiendra plus particulièrement notre attention : au cours d’une embuscade organisée au cœur même du village, les séparatistes tentent de stopper le bus reliant Cap Skiring à Ziguinchor en le mitraillant. Le car réussit néanmoins à forcer le barrage. À son arrivée, hormis quelques blessés légers,​ on ne déplorera qu’un mort, le fils d’un des chefs de la résistance… Raoul est visiblement très affecté par ce lourd passé, nous le remercions d’avoir bien voulu nous raconter. Nous prenons congé et allons nous installer chez César. ​

Il nous reste trois bonnes heures avant le début de la séance de ce soir. Vincent décide alors de réitérer l’expérience de Diaken Wolof et de construire un nouveau foyer amélioré. Le temps de réquisitionner quelques enfants,​ occupés à marauder les konis, et nous voilà brouette en main à la recherche de bouses de vache, de sable de termitières et d’argile noire. Avez vous déjà poussé une brouette pleine d’argile noire du marigot jusqu’au village distant de plus d’un kilomètre à travers les rizières ? Non, ​et bien​ demandez à Vincent ce qu’il en pense. Tous les ingrédients sont rassemblés, demain nous construirons le foyer amélioré dans la case de Marie (une femme handicapée qui élève seule son fils).

Ce soir, divertissement. À l’applaudimètre et au « riromètre » nous pouvons dire que le public a largement apprécié.

Dès 9 heures,​ nous commençons les travaux de maçonnerie avec l’aide et la complicité de trois jeunes,​ occupés habituellement à produire et vendre du charbon de bois sur le bord de la route. Ayant compris l’intérêt d’un tel système de cuisson, Youssouf, Marc et Assane s’investissent totalement et demandent à ce qu’on leur rédige une notice explicative qu’ils ​puissent étudier et conserver​ précieusement. D’ailleurs, à peine les travaux terminés, cinq mamans leur passent déjà commande.

Juste le temps de prendre le repas de midi et nous voilà à pied d’œuvre à l’école primaire du village de Bakounou jouxtant Dioer. Nouvelle projection où nous faisons la promotion de ces fameux foyers améliorés et diffusons quelques dessins animés​ pour calmer l’ardeur des plus jeunes.

La fin d’après-midi et la soirée se déroulent​ plus paisiblement dans la famille de César qui, à son tour, nous livre ses souvenirs de la crise casamançaise lors de son service militaire.

Djibellor

Aujourd’hui nouvelle étape à Djibellor, décidée au denier moment. Il est déjà 16h. Le​ directeur de l’école nous autorise,​ au pied levé,  à faire​ une projection dans la cour de son établissement.

Pour l’hébergement, nous sommes invités par Mamy l’épouse d’Haïdar Ali, ancien ministre de l’environnement et Président de l’Océanium, notre partenaire régional.

Une séance où nous alternons documentaires sur l’environnement et films de divertissement. Une soirée que nous voulions plus particulièrement enjouée sachant que ce village héberge une communauté de lépreux.

Coubalan

Nous voilà à Coubalan après une journée à pédaler,​ dont une bonne moitié sur la latérite. Grosse fatigue, alors soirée de repos au campement villageois autour d’un feu de camp et du traditionnel thé préparé par Aliou et Ibra, nos contacts locaux.

Nous avons donc toute la journée pour découvrir le petit bourg et avant tout, nous présenter au chef de village ​afin d’​obtenir son accord pour la projection du soir.

Ici, comme dans la majeure partie de la Casamance, musulmans et catholiques vont au delà de la simple cohabitation respectueuse, ils vivent en harmonie. Ainsi, peut-on entendre un curé s’exclamer inch’Allah ou voir dans une même fratrie un enfant de chaque culte.

Le cinéma itinérant s’installe au beau milieu de l’avenue principale, barrant le passage, la toile tendue entre deux manguiers. Heureusement, sur cet axe majeur, aucune circulation possible sur le lit de sable qui en constitue l’unique revêtement.

La nuit tombe, les spectateurs affluent, la génératrice à pédales ronronne, la lumière jaillit du projecteur, le son couvre le brouhaha des plus jeunes, la séance débute. Nouvelle séance, nouvel échange, nouveau partage ​ !​

Djilapao

Aujourd’hui,​ nous avons l’ambition de parcourir plus de 90 kilomètres. Mais la piste en mauvais état et la température ​autour des​ 40 degrés,​ nous obligent à réviser notre objectif.

Vincent choisit le village ​des​ alentours le plus isolé. Il s’agit de Djilapao. Pour la première fois, nous n’y avons aucun contact​, nous allons donc arriver​ à l’improviste. Qui dit isolé dit difficile d’accès, les derniers kilomètres sur le sentier pédestre s’avèrent être​ un calvaire et nous feront regretter la piste stabilisée. Djilapao compte une cinquantaine d’habitants​ réparti​s​ en deux quartiers distants d’un bon kilomètre, l’un au milieu des rizières,​ l’autre dénommé Elora au bord du bolong.

À notre arrivée​,​ nous somme accueillis par Samuel et Amédée. Les présentations faites : « Bonjour, comment ça va, je m’appelle Vincent, et la journée, et la famille, et la santé etc… ». Amé​dée grimpe aussitôt au sommet d’un rônier pour en faire tomber un régime de konis. Vincent expose les raisons de notre venue et instantanément les deux jeunes hommes adhèrent. « Venez, vous pourrez manger et dormir à la maison ». Les relations humaines sont si simples au Sénégal ​, un réel plaisir ! Nous faisons connaissance avec le reste de la population après la protocolaire visite au chef de village, et surtout ​le ​rendez-vous est pris pour une séance vers 21 heures.

Juste le temps de préparer et partager ensemble le repas au pied de la toile déjà installée, un petit thé, bien entendu, et la projection peut débuter. Une séance plus intime qu’à l’accoutumée, presque en famille,​ puisque nous sommes à peine une vingtaine groupés autour de l’écran éclairé.

À Djilapao, pas d’école, les enfants en âge de scolarité sont placés. Ni puits, ni pompes, seul un énorme réservoir recueille les eaux de pluie de l’hivernage (juin à septembre). Une eau douce précieuse économisée au plus juste et qui ne suffit malheureusement pas à envisager l’arrosage d’un potager. Alors le régime alimentaire c’est riz le matin, riz le midi et riz le soir qui lui se satisfait de l’eau légèrement sa​lée​ issue des bolongs.

Nous restons une journée de plus pour participer à la récolte dans les rizières de Mimi, Bénédicta et Mamie. Nous partageons le quotidien de ces femmes, coupant une à une les tiges pour récupérer les épis de riz. Pour elles​,​ la récolte durera jusqu’à fin janvier, pour nous une seule journée de 8 h à 17 h, sous un soleil de plomb, nous exténuera. Sans compter qu’il leur faudra encore trouver l’énergie de préparer le repas et de s’occuper des enfants en bas âge. Les hommes quant à eux vont à la pêche, surveillent le bétail ou entretiennent les maisons. Une existence bien plus décontractée et même si les femmes n’en disent mot, elles n’en pensent pas moins !

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Vincent Vélo Écris par

Fondateur de la structure Cinécyclo, Vincent est avant tout un aventurier dans l'âme. Après avoir vécu au Québec, en France et en Italie, il se lance dans le Cinécyclo Tour du Sénégal en 2015 au guidon de son vélo cargo cinéma.

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