Traversée du Niokolo Koba

Nous restons la journée du 25 à Tambacounda pour récupérer de notre réveillon gastroentérite à défaut d’avoir été gastronomique. Comme la santé revient petit à petit et que notre estomac nous autorise à nous éloigner à plus de 100 mètres des premières toilettes, nous partons chacun de notre côté, à la recherche de l’inéluctable cadeau qui scellera à jamais cet inoubliable instant festif. Ce sera un nouveau couteau pour Vincent qui a perdu le sien il y a plus d’une semaine, et une tabatière Maure pour Alain, ça le calmera quand il ne trouvera pas de cigarettes.

Bref, il est grand temps de reprendre la route vers Kédougou à petit train.

Après une soixantaine de kilomètres, une bonne sieste, l’unique casse croûte envisageable à savoir, pain, corne beef, moutarde, puis la pose d’un strape sur le genou de Vincent, nous voilà enfin aux abords de Médina Kouta où nous trouvons refuge pour la nuit. Nous passons la soirée en compagnie d’Alpha Oumar et ses amis après avoir vraisemblablement obtenu l’autorisation de séjour auprès du chef de village, un très vieil homme quasiment sourd.. Mais puisque Alpha interprète « c’est bon » car il a fortement envie de passer la soirée à discuter autour du feu avec deux toubabs, ça nous convient.

Nous arrivons, le lendemain, à Dar Salam aux portes du parc national du Niokolo Koba. L’occasion pour Vincent de retrouver certains gardes rencontrés il y a un an et demi lors de son repérage.

C’est aussi le moment de faire connaissance avec le conservateur du parc, puisque la direction des parcs nationaux de Dakar ne nous aura jamais transmis son nom et ses coordonnées malgré nos nombreuses relances. Malheureusement, celui ci est à Tambacounda. Après un coup de fil, il nous apprend qu’il n’a pas été informé de notre visite par sa hiérarchie et nous invite à venir le rencontrer à Tambacounda. Refaire le chemin à l’envers pour cause d’un dysfonctionnement de communication ne nous enchante guère. La nuit portant conseil, nous poursuivons jusqu’au village de Dienoun Diala juste avant le poste de contrôle sur la nationale 7 traversant le parc.

D’autre part, c’est dans ce village que plusieurs fours améliorés ont été construits voici de cela quatre ans. Nous pouvons enfin vérifier in situ l’intérêt de ce mode de cuisson et recueillir les critiques des utilisatrices.

Grosse déception, la plupart des foyers sont détruits et le mode de cuisson du feu à trois pierres a repris ses droits. Nous décidons de réagir, et après avoir été invités à séjourner chez Alphonse, nous partons à la recherche d’explications. La responsable du groupement de femmes en charge de la gestion de ces foyers améliorés nous confirme que bien que l’on constate une baisse de la consommation de bois, le temps de cuisson reste plus long et il y a trop de fumée qui reflue par l’orifice d’introduction du bois.

Cette conclusion appelle donc deux modifications majeures, rabaisser le seuil où repose la marmite pour en rapprocher le fond des braises et aménager un orifice de tirage sur l’arrière pour canaliser l’évacuation de la fumée.

Le soir même, nous repassons le documentaire sur la construction des foyers améliorés et apportons en direct au cours du débat les modifications retenues et validées par le groupement de femmes.
Mission accomplie, la reconstruction des ces nouveaux foyers améliorés est actée pour ce village où il est prévu que nous repassions dans un mois.

Maintenant il nous faut statuer pour savoir si nous traversons le parc, le contournons ou retournons à Tambacounda. Nous décidons, puisqu’il existe encore un espoir de coopération, de retourner voir le conservateur du parc. Les vélos stockés au poste de filtrage du parc, nous arrêtons un camion revenant du Mali qui accepte de nous ramener sur Tambacounda. Deux heures plus tard, nous voilà à la direction régionale du parc, contents de ne plus entendre l’alarme tonitruante et ininterrompue qui indiquait un défaut de pression dans le système de freinage du camion. Sachez qu’il est quasi impossible au Sénégal de circuler dans un véhicule qui n’affiche pas au minimum une alarme au tableau de bord, sous réserve que celle ci fonctionne encore.

Nous sommes reçus, tour à tour, par le conservateur et le responsable du développement qui visiblement découvrent le projet Cinécyclo. Un plan de partenariat est échafaudé au pied levé et nous retournons dans la foulée en stop sur Dienoun Diala vers 17 heures.

Après la benne d’un pick up jusqu’à Missara, un mini bus tata surchargé jusqu’à Dialacota et enfin la cabine d’un camion, nous retrouvons le gîte et le couvert chez Alphonse vers 23 heures.

En clair, 6 heures pour faire 90 km, Ils se débrouillent pas trop mal en stop les toubabs sur les routes très peu fréquentées du Sénégal.

Au final, une longue journée, un peu stressante où la bonne volonté et la diplomatie finissent par l’emporter.

La traversée du parc Niokolo Koba s’effectue à presque 30 km/h, non pas que nous sommes en forme sur nos vélos, mais parce que nous sommes dans la cabine d’un vraquier de 33 tonnes à bout de souffle. Notre requête pour traverser le parc en vélo n’ayant pas abouti en raison de la vulnérabilité de ce mode de locomotion face à la faune sauvage.

Je ne sais pas si nous n’encourons pas plus de dangers dans ce véhicule, véritable cercueil roulant dont le chauffeur nous confie, amusé, que tous les ouvriers qui ont participé à sa construction sont probablement morts depuis bien longtemps.

Le comble, le camion sera immobilisé au poste de contrôle au milieu du parc, car son autorisation de transit n’est pas conforme.
Tu peux rouler un 33 tonnes, la carcasse totalement rouillée, sans feins ou presque et les pneus en lambeau mais tu as intérêt à avoir le tampon.

Bref, après quelques coups de fil du chauffeur à divers pontes responsable de la cargaison l’ardeur de l’agent du parc est calmée et le camion peut repartir.

Ouf, nous sortons du parc après presque 5 heures de circulation dans un vacarme absolu, assis sur le capot en tôle entre les deux sièges de la cabine avancée, dans l’effluve des fuites de gasoil, d’eau de refroidissement et les vapeurs d’huile d’un moteur en surchauffe.

Nous déchargeons vélos et bagages transportés dans la benne du semi-remorque à Mako, et offrons le repas à nos convoyeurs.

Au fait, nous n’avons croisé aucun animal si ce n’est quelques phacochères rôdant autour des poubelles du poste de Niokolo au centre du parc.

Comme l’après-midi est déjà bien avancée, nous ne faisons qu’une dizaine de kilomètres pour atteindre Séketo où nous jetons notre dévolu pour la soirée. Un petit village Peul accueillant et bordant le fleuve Gambie, un chef de village spontané, encore une étape formidable qui illustre une fois de plus la chaleur et la générosité du peuple sénégalais quelque soit l’ethnie.

À partir d’ici le paysage change totalement et devient très vallonné. Nous pédalons autour des 200 m d’altitude et chaque pente gravie nous gratifie de superbes panoramas. Un transit par Kedougou, la capitale de région où nous nous restaurons et profitons de la dernière possibilité de connexion pour la quinzaine à venir, puis nous attaquons la piste vers Ibel où nous sommes attendus en fin d’après-midi par la famille Diallo.

Mamoudou, surnommé ici vieux, fait une thèse sur la littérature anglaise. Nous avions fait sa connaissance au centre Aula Cervantès de Dakar lors de notre projection inaugurale. Séduit par le projet, il adhère à l’association Cinécyclo Sénégal et nous propose son hospitalité à notre passage dans la région de Kédougou. Et bien, deux mois plus tard c’est chose faite. Comme nous sommes en plein congés scolaires, nous avons la chance de le retrouver sur place ainsi que Yoro, son frère qui vient de terminer une licence d’espagnol.

De ce QG local nous profitons, des connaissances de terrain de la fratrie pour établir notre tournée régionale.

Mais avant tout ce soir projection, avec la promotion des foyers améliorés et un long métrage de divertissement. Grosse affluence avec environ deux cents personnes. Comme à l’accoutumée, la séance prévue à 20 heures ne débutera qu’à 21 heures. Mais ça tous les sénégalais le savent déjà. C’est dingue, il y a toujours un truc à faire au dernier moment qui vous met en retard. Comme c’est pour tout le monde pareil, nous sommes donc tous à l’heure.
Nous passerons trois jours sur place dont une journée à réunir les ingrédients (bouse de vache, terre de termitières, paille et argile) et à fabriquer des briques pour la construction d’un foyer amélioré dans une quinzaine à notre retour de tournée (durée nécessaire au séchage).

Une autre consacrée à la visite d’Iwol, un village Bedik totalement isolé et accessible uniquement à pied par un sentier de montagne. Les Bediks sont une ethnie minoritaire chassée du Mali au 12ème siécle, persécutée par les guinéens, convertie au christianisme mais ayant conservé leurs rites animistes. Comme toute minorité, ils vivent aujourd’hui en quasi autarcie et restent mis à l’index par les ethnies majoritaires environnantes Peule et Bassarie, car réputée pour consommer vin de palme et coca.

Et surtout nous aurons le privilège de participer à la fête des masques qui marque la fin d’initiation des jeunes circoncis. Ce rituel n’est plus pratiqué que dans de rares villages.

Brièvement, les circoncis âgés entre 8 et 10 ans doivent recevoir l’initiation. Il s’agit d’un passage vers la vie d’adulte. Ils sont alors emmenés en brousse durant les deux semaines de la cicatrisation, accompagnés d’un tuteur qui leur inculque les bases morales et civiques de la vie en société. Ils reçoivent aussi une formation sur les propriétés et l’utilisation des différents végétaux qu’offre la nature. Quelques notions sur les divers modes de chasse et de pêche et les voilà prêts à regagner, en homme, leur famille. Ces retrouvailles donnent lieu à la fête des masques à laquelle tout le village participe.

Autre fête en ce 31 décembre, où après un succulent yassa poulet, nous offrons à tous les jeunes de la famille l’entrée à la soirée dansante organisée à l’occasion du passage en 2016.

Bonne année à tous !

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Vincent Vélo Écris par

Fondateur de la structure Cinécyclo, Vincent est avant tout un aventurier dans l'âme. Après avoir vécu au Québec, en France et en Italie, il se lance dans le Cinécyclo Tour du Sénégal en 2015 au guidon de son vélo cargo cinéma.

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