Missira / 1 projection
Après l’épisode de Némaba où Alain annonce à Yoro vouloir quitter le Cinécyclo Tour après le tournée AMCP, Vincent décide de ne rien faire de particulier si ce n’est gérer du mieux possible les 5 projections qui restent et surtout s’occuper de la logistique qu’impose une tournée insulaire. Show must go on !
Pour éviter de déplacer tout notre matériel, une virée en pirogue est rapidement mise sur pied pour acheminer une partie de notre équipement vers le Campement Bamboung qui sera la dernière date de notre tournée. Mission solo, c’est Alain qui s’y colle d’autant qu’on y mange bien à ce qui paraît et il a des kilos à reprendre donc : envoyé !
Distant de 12km, Missira est notre objectif du soir. Vincent quitte le campement Dassilamé en Cinécyclo, remerciant une dernière fois Mamadou Bakhoum de son accueil, ainsi que sa femme pour ses bons petits plats et sa gentillesse.
De retour à Dassilamé, Alain part accompagné de Yoro en Jakarta jusqu’à Missira, gros village de 5000 habitants avec l’électricité et important port de pêche dans la région.
Notre tuteur s’appelle Souleyman Sarr. Particulièrement impliqué dans l’Aire Marine Communautaire Protégée, Souleyman travaille également au port pour le frêt du poisson. Ancien pêcheur et actuel Président du Centre de Gestion du Quai de Pêche, il est respecté du village où on l’interpelle par de respectueux « Capitaine » en simple signe de salutation. Sa carrure et sa démarche assurée nous confirment bien qu’il a gagné son grade en mer.
La projection se déroule devant la grande mosquée et commence par une petite frayeur : l’un des écrous de notre porte-bagage-béquille est complètement bloqué. On en viendra à bout après 30 bonnes minutes, une pince, une tenaille, une lime et un peu d’imagination.
Pour ne pas risquer la bérézina de la veille, le long film diffusé à Némaba n’est pas au programme du soir : séance réussie.
Au petit matin, pendant que Yoro et Alain attendent patiemment (5h tout de même) la pirogue qui nous emmènera sur Bétenti, Vincent se repose et discute avec Souleyman qui lui raconte son expérience de second capitaine à bord d’une pirogue de migrants il y a de cela une dizaine d’années.
En détail et sans laisser transparaître la moindre émotion, cet homme livre les souvenirs d’une épopée tragique ayant coûté la vie à 63 personnes. Les chiffres lui reviennent rapidement en tête. Sur 155 personnes ayant tenté l’aventure, seuls 92 sont arrivées vivantes, les cadavres étant jetés à la mer. 10 jours de traversée, dont 4 avant que le premier des deux moteurs ne rende l’âme ; 15 fûts d’essence, 200 litres d’eau, 3 sacs de riz, 3 sacs de manioc et environ 20 kilos de biscuits. Au finish, tous les survivants furent renvoyés chez eux, sans exception.
Souleyman qui rêvait d’Europe et pour qui rien ne semblait possible dans son pays a su se prouver le contraire en se lançant dans les affaires. Aujourd’hui, il entretient convenablement sa famille, s’implique dans sa commune et milite en faveur de l’environnement et contre l’immigration des jeunes.
Bétenti / 1 projection
Ansou Mané accoste finalement au Quai de Missira. Il sera notre piroguier durant 5 jours et deviendra notre ami. Il est accompagné de Mame Tening dit Lamine, l’animateur « timide mais volontaire » de l’AMCP.
3 heures sont nécessaires pour relier Missira à Bétenti, village de 3000 âmes bordant l’océan.
À notre arrivé, Bakary Mané nous accueille dans un sublime campement délaissé des touristes et donnant sur le littoral. On est parfois choyés ! Bakary est un véritable lion ! Il anime la radio locale, s’occupe du campement, s’investit activement auprès de l’AMCP et des associations de sa commune. Il court partout, téléphone en main parvenant malgré tout à nous présenter le directeur de l’école où l’on prévoit de tenir notre projection le soir venu. « Il y aura du monde » nous assure t-il d’autant qu’on annonce déjà la bonne nouvelle sur les ondes de Bétenti FM.
Le soir venu, l’équipe de cinécyclistes installe comme convenu l’écran dans la grande cour vide de l’école, mais il semblé évident, vue la distance avec la porte d’entrée (200m) et la tranquillité des rues que personne ne viendra ce soir. Bien que tout soit déjà en place, Vincent demande à ce qu’on change d’endroit et vite, car il est déjà 21h ! Yoro, Alain, Ansou, Mame Tening et Vincent déplacent donc tout leur attirail jusque devant l’école où, au moins, il y a un peu plus de passage. Vincent se rend même dans les rues pour jouer les crieurs publics « Ce soir, Cinéma, c’est gratuit !« . Finalement, la séance commence à 22h devant un peu plus de 120 personnes réjouies et reconnaissantes. C’était moins une !
Le lendemain, Alain annonce officiellement à Vincent et à Yoro qu’il quittera le Cinécyclo Tour du Sénégal dans 4 jours. Pas ou peu de discussion à ce sujet, la décision étant ferme. Il convient simplement de remercier Alain pour nous avoir accompagné durant ces longs mois et de préparer la suite. Yoro sera dorénavant à ses côtés durant les dernières projections pour assurer la transition, quelques outils seront à dénicher ici et là, rien de plus. Chacun retourne à ses occupations, l’air grave, l’ambiance n’est pas au beau fixe.
Vincent se change les idées en allant engueuler une bande de gamins en train de torturer un goéland sur la plage. Et dire que le dessin animé qu’on passe aux mômes en soirée, et tant apprécié, fait l’apologie du respect des êtres vivants… Il faut croire que ceux là n’ont pas compris. Leçon de moral suivie de l’euthanasie de l’animal battu à mort. Il y a des journées qui commencent mieux que ça !
Bossinkan / 1 projection
Il est 15h, c’est marée haute… Les gars : on décolle !
Village ultra isolé de plus de 2000 habitants, Bossikan se trouve à 2h de pirogue de Bétenti. Alimenté en électricité par une centrale au fuel et solaire, le village ne bénéficie comme autres infrastructures que d’une case de santé avec un infirmier et d’une seule école primaire (Rappel : 2000 habitants !). Il y avait bien eu un projet de centrale de désalinisation de l’eau de mer mais… C’est gâté !
La pirogue accoste sur un quai fait de coquillages qui recouvrent également une bonne partie de l’île. Pour le reste, c’est du sable et il faut encore pousser, le Cinecyclo.
On pose nos bagots chez Abdoulaye Sene, l’infirmier qui sera notre hôte jusqu’au lendemain. Il nous avoue avoir failli pleurer le jour où il est arrivé sur cette île à laquelle il ne connaissait rien. Lui qui venait de la trépidante Dakar… Effectivement, son affectation avait tout l’air d’un coup de massue. Finalement, il parle aujourd’hui le dialècte local (le Manding) et s’est attaché à ce village et à ses habitants où il se sent utile et participe à la vie de la commune. 4 ans déjà !
Une surprise de taille nous attend ce soir plus de 400 personnes viennent assister à la séance battant le précédent record à Tiabedji ! Affluence exceptionnelle qui impose de nombreux défis, une vigilance extrême et une réactivité exceptionnelle. Vincent décide de limiter la projection à 1h pour éviter tout débordement, tant il est difficile de maîtriser la foule et surtout les enfants. Ça joue des coudes, ça se chamaille, se contorsionne pour espérer voir ne serait-ce qu’un petit bout de la toile où l’image prend vie !
Impossible de se frayer un chemin parmi le public qui occupe le moindre petit espace de cette importante place au milieu des cocotiers. De l’écran jusqu’au bâtiment d’en face, autour du vélo, autour du Hibou : ils sont partout ! Éclairant de sa frontale les artères principales aboutissant sur la place, Vincent constate que le public continue d’affluer par dizaine, alors que la séance a déjà commencé depuis 30 minutes… Tout se termine heureusement dans le calme et sans encombre, même si il aura été quasi impossible de communiquer avec un si grand nombre de personnes.
Sipo / 1 projection
Petit village de pêcheur d’une vingtaine de cases à peine, Mame Tening est heureux de revenir près de ses proches après 3 jours de tournée et fier de nous présenter à sa famille. Le village se trouve à 20 minutes de pirogue de Dassilamé et des premiers commerces. Il n’y a pas de case de santé, pas d’école… Mais c’est le village par lequel passent tous les touristes et les employés se rendant au campement Bemboung à 2,5 km de là. Tous les jours des pirogues vont et viennent permettant d’acheminer facilement vivres, matériel, personnes…
Suivant le protocole à la lettre, nous allons nous présenter au Chef de village et, fait exceptionnel, à la Reine de Sipo, Fatou Mané. La doyenne nous prend de court en nous faisant la bise, bousculant ainsi les conventions et la retenue qu’un sujet doit à sa Reine. Sa majesté la Reine est une vieille Dame qui travaille encore la terre et sur le visage de laquelle on peut lire le poids des années. Ses petits yeux ronds cerclés de rides vous regardent pourtant avec un amour et une espièglerie qui trahissent sa bonté et sa jeunesse d’esprit.
Campement / 1 projection
La dernière séance de la tournée AMCP se tient au campement Bemboung. Construit à partir de matériaux locaux et pensé comme un modèle économique de l’Aire Marine Protégée, le Campement Bemboung attire chaque année des centaines de touristes du monde entier. Comme partout au Sénégal, le site à connu une forte baisse avec la crise du Visa et d’Ebola en 2014 et 2015.
Les revenus de ce campement contribuent aux activités de l’AMCP et offrent une opportunité d’emploi direct à une vingtaine de villageois.
Nous sommes agréablement surpris par la fréquentation du campement qui s’avère importante et variée. Des Italiens, des Français, des Belges, des Allemands, des Suisses se succèdent d’une case à l’autre, toutes relativement isolées les unes des autres et faisant face au large bolon et au paysage de mangrove.
Des oiseaux par centaines, un soleil couchant irradiant, un personnel au petit soin : le site est magnifique et on vous le recommande chaleureusement.
Bref, un très bel endroit nous faisant oublier, le temps d’une soirée, les nombreuses nuits à même le sol. La tournée AMCP s’étant globalement bien déroulée et nos partenaires satisfaits, nous sommes heureux d’offrir cette dernière séance, comme dirait Eddy Mitchell, puisqu’il s’agit de la dernière d’Alain avec Cinécyclo, la dernière de Cinécyclo pour l’AMCP et la der des der dans le Saloum ! « Et le rideau sur l’écran est tombé.«
Soyez le premier à commenter