Retour à la civilisation, pour le meilleur et pour le pire

A peine sortis des Rocheuses canadiennes et du Trans Canada Trail, nous voici à nouveau confrontés à la dur réalité du bitume et de son trafic ! En redescendant à vélo une autoroute où, étonnamment, les cyclistes sont admis, nous nous faisons quelques frayeurs avec les camions qui se doublent. Un ballet dangereux d’énormes limaces en acier qui, lors de l’ascension d’une petite côte en lacet, nous vaut une sacré frayeur : alors qu’un camion est sur la bande d’arrêt d’urgence, Tom et Victor entreprennent de le dépasser quand surgissent tout à coup deux camions côte à côte, en pleine phase de dépassement. Par chance, l’espace entre les trois camions laisse tout juste une marge suffisante afin que rien de grave n’arrive au duo de cinécyclistes. Cette frayeur nous conduit à quitter l’autoroute aussi vite que possible.

Nous trouvons un itinéraire alternatif sur les bords de la Fraser River. Peu pressés, et de bonne humeur, nous nous arrêtons dans un café, histoire de consulter nos e-mails et recharger nos frontales en prévision d’une dernière nuit dehors. Trouver un lieu de bivouac s’avère finalement plus compliqué que prévu. Au bord du fleuve, la propriété privée est reine : nous sommes en territoire amérindien et les panneaux « No trespassing » nous rappellent combien ceux-ci sont attachés à la défense de leur territoire. Tard dans la nuit, nous finissons par trouver un petit sentier dissimulé qui nous conduit à une plage de gravier sur les abords du fleuve.

A moins de 150 km de Vancouver, nous ne nous précipitons pas pour rejoindre la capitale de la Colombie-Britannique. Lorsque nous arrivons dans la ville de Mission, nous nous arrêtons pour un café (latté). Un homme à l’apparence atypique nous aborde. Prenez une minute et imaginez un homme de corpulence moyenne à la croisée des chemins entre Bob Marley, José Bové, un Cow-Boy et Gandalf. Est-ce que c’est bon, vous l’avez ? Voici Gary ! Gary nous accoste avec un grand sourire et une énorme barre dorée, tel un sceptre mystique. Nous discutons de notre voyage, de tout et de rien. Après un peu de discussion, il nous propose de nous héberger dans sa maison, située juste de l’autre côté de la rue. Il nous dit qu’il est habitué à recevoir des cyclistes de passage et connait bien Warmshowers, un réseau en ligne (que nous utiliserons beacoup par la suite) où passionnés de cyclismes, d’aventures et de rencontres offrent le gîte à d’autres cyclistes sur la route ! Nous hésitons à accepter : après plusieurs jours passés dans les bois, nous resocialiser et faire la conversation nous semble difficile. Finalement, nous y allons tout de même. Et quelle surprise ! L’accueil est si chaleureux que nous nous décidons à sortir notre système de projection le temps d’un bon vieux Charlie Chaplin, au coin d’un feu de bois dans le jardin, en compagnie de Gary, de sa compagne Valery et de son petit-fils. Tortillas espagnoles, pop-corn et chamallows accompagnent notre soirée. Le lendemain matin, l’ambiance est toujours aussi sympathique : nous savourons les énormes pancakes aux bleuets, le sirop d’érable et les discussions matinales. Nous ne reprenons la route qu’en début d’après-midi, à 13h, les sacoches remplies d’offrandes fruitières (cueillies grâce à ce que nous avions pris pour un sceptre !) et les têtes pleines d’émotions. Une sacrée rencontre !

Le cœur léger, nous avalons les derniers kilomètres nous séparant de Vancouver. Nous sommes attendus le soir même au sein d’une collocation d’étudiants, dont le contact nous a été donné par Pauline, une amie de l’université qui était sur Vancouver pendant un semestre d’échange.  Nous faisons la rencontre de 5 étudiants bien joyeux qui acceptent de nous héberger le temps de notre séjour au sein de la grande métropole. Avec Luis, Simone, Moh, Lisa et Alice, nous retrouvons l’ambiance ERASMUS, et toute son excentricité ! L’ambiance au sein de la ville est des plus plaisantes et le climat fait mentir le surnom que les habitants de la région ont donné à la ville : « Raincover ». On nous avait vendu les montagnes de Colombie-Britannique comme ensoleillées et Vancouver comme grise et pluvieuse, nous observons tout son contraire ! Nous profitons donc du soleil pour partir à la visite de la ville : au sud du centre ville et du coté du campus de l’université, les quartiers sont globalement résidentiels et verdoyants. Ils semblent y faire particulièrement bon-vivre et nous apercevons de nombreux jardins communautaires par ci et par là. Le centre ville de Vancouver nous intrigue aussi : nous abordons pour la première fois dans ce voyage les hautes tours telles que nous pouvions nous les imaginer sur les cartes postales d’Amérique du Nord. Malgré tout, les quartiers autour du centre semblent hétéroclites en terme de culture et de classe sociale. Au sein d’une même rue, nous traversons des quartiers aussi bien très pauvres, que luxueux pour revenir à des quartiers plutôt modestes. Un soir, en se promenant à vélo, la face sombre de ce tableau se révèle tout particulièrement à nous : de nombreux sans-abris sont là et en grand nombre, errant en plein cœur du centre ville. Des voitures de police passent et repassent, la sirène parfois en marche. Une certaine agitation et une détresse sociale sont perceptibles, là, à quelques encablures de ces grandes avenues et tours luxueuses. C’est un contraste saisissant.

Globalement, nous trouvons la ville de Vancouver agréable à parcourir en vélo : les pistes cyclables sont assez nombreuses et les itinéraires cyclistes, parcours spécialement recommandés pour la pratique du vélo en ville, sont bien indiqués. Pour nous, c’est une aubaine et cela nous permet de nous rendre facilement aux différents rendez-vous et projections organisées. Nous préparons dans un premier temps la projection pour la conférence du Pro Walk, Pro Bike, Pro Place à laquelle nous sommes conviés pour une animation au cours de la semaine. Il s’agit d’une conférence sur une petite semaine, pendant laquelle des présentations et des ateliers sur la thématique de la mobilité douce en milieu urbain sont mis en place. Un certain flou règne autour de notre participation à cet événement et nous voulons rencontrer assez rapidement nos interlocuteurs au sein de l’organisation pour clarifier tout cela. Visiblement pas contraignant, ils nous proposent de tenir un petit stand d’animation pendant un après midi au sein du centre de conférence, où une salle nous est visiblement réservée. Nous faisons un rapide tour des lieux et, l’animation étant dans quelques jours, nous en profitons pour aller voir d’autres projets au sein de la ville.

Dans un premier temps, nous visitons le MakerLabs, un espace de création et de projets interdisciplinaires au sein de la ville. Un peu à l’image d’un fablab, les créateurs en tout genre se rencontrent ici pour mener à bien leur recherche ou leur projets : on rencontre des artistes qui travaillent le bois, les matières plastiques, le métal,… mais aussi des couturières 2.0 qui tissent des étoffes aux motifs directement sortis de leur ordinateurs et de leur métier à tisser nouvelle génération. Au détour d’un atelier, notre guide, David nous pointe du doigt un bureau et nous dit qu’ici, c’est quelqu’un qui travaillent avec des cellules vivantes. Son but ? Récréer des ventricules cardiaques dans de simples éprouvettes. Cet espace de création nous impressionne et nous séduit : permettre à des porteurs de projets aussi différents qu’un soudeur, un tourneur de bois, une couturière, un électronicien ou un biologiste, on adore ! Notre visite a cependant un but : nous souhaitons obtenir un peu d’aide pour réparer notre microphone, endommagé lors du Forum Social Mondial à Montréal. David est notre homme, c’est lui l’électronicien bidouilleur des lieux, l’équivalent de notre Nanard à nous. Il confirme le diagnostique réalisé par Bernard via skype : une simple puce est morte et il suffit de la changer pour que notre microphone fonctionne à nouveau. Un petit tour au magasin d’électronique, et le tour est joué !

En fin de journée, nous partons pour le campus de l’University of British Columbia (UBC). Nous avons prévu une rencontre avec l’association UBC Student Environment Centre. Cette association étudiante est particulièrement active sur le campus et organise des animations de sensibilisation vis à vis de l’environnement et de la durabilité, souvent à travers de petits festivals ou de semaine de sensibilisation spécifique. Des rencontres sont aussi organisées chaque semaine entre les membres pour discuter de l’actualité sur un fond de thématiques environnementales. Lors de notre cycloprojection, nous visionnons « The Island of Flowers » et « Story of stuff » pour évoquer les questions de cycle de vie au sein de notre production alimentaire et industrielle. L’échange est convivial et des plus sympathiques.

Finalement, le jour de notre projection au Pro Bike, Pro Walk, Pro Place arrive. Une fois sur place et à notre grande surprise, la salle qui nous était réservée est occupée : une présentation s’y tient et la salle semble assez pleine… Nous attendons un peu et trouvons finalement les organisateurs. Une solution de recours est trouvée et nous prenons part à une soirée de « networking », plus au Nord dans la métropole de Vancouver, de l’autre coté du fleuve. L’événement rassemble beaucoup de monde, plus de 800 personnes sont visiblement présentes sur place. Cependant, l’ambiance est plutôt à la fête. Même si nous apprécions l’atmosphère festive présente ici, la mise en place de nos projections est compliquée : un groupe de musique occupe tout l’espace sonore en extérieur et nous nous voyons relégués à devoir mettre en place notre système dans une salle en intérieur, qui reste elle aussi assez bruyante et plutôt lumineuse… Nous sommes situés sur le chemin de sortie des participants, mais l’ambiance n’est pas forcément au pédalage et au visionnage de vidéos. Nous discutons avec quelques personnes, mais cela reste somme tout assez limité. Nous sommes assez déçu de cette animation et replions le matériel à la fin de l’événement, vers 22h30.

Sur le chemin du retour, deux options s’offrent à nous : faire rebrousse chemin et faire le grand tour par un pont, ou prendre le ferry dont l’embarcadère se situe juste à coté. Les organisateurs nous tendent 3 tickets pour le ferry. Nous n’hésitons pas et prenons les billets. Dans le bateau, les gens sont nombreux et s’agitent autour de nous. On se pose sur les bancs, on fait un petit tour pour admirer la vue. Lorsque le bateau accoste, tout le monde sort. A ce moment, Guillaume réalise que son sac avec la génératrice électrique et le micro-projecteur a disparu. Il l’avait laissé là, sous le banc, et au moment où il est revenu, il a disparu. Sur le coup, tout le monde est abasourdi. On cherche à droite à gauche. Rien. On n’en revient pas. Pour nous c’est un terrible coup dur qui s’abat sur nous. La pierre centrale de notre projet s’est volatilisée, et nous avons du mal à réaliser. On appelle Vincent et Bernard la gorge serrée. Pour eux aussi, la pilule est difficile à avaler, mais ils se montrent constructifs et rationnels vis à vis de la situation. Les jours suivants, on tente de la retrouver par tous les moyens en expliquant la valeur unique du prototype en question : nous postons des annonces sur les sites d’objets perdus, nous harcelons les services d’objets trouvés de la ville de Vancouver et de la compagnie de transport, nous réalisons des affiches pour une récompense, nous fréquentons les différents marchés aux puces… Nous nous rendons à l’évidence, nous ne la retrouverons pas. Nous procédons à une déclaration de vol au centre de police et entamons les démarches auprès de l’assurance de l’association, la MAIF. Un dédommagement financier nous est rapidement débloqué (merci la MAIF !) mais pour nous c’est une perte inestimable et de sacrés remords… Malgré tout cela, la cohésion au sein du groupe n’en est pas affectée et nous restons soudé jusqu’au bout ! Nous relativisons comme nous le pouvons : il s’agit d’une perte matérielle et le voyage doit continuer. A nous de rebondir d’une façon ou d’une autre…

Notre départ de Vancouver est reporté et nous devons finalement annuler notre rencontre avec l’association « The Fish Eye Project », sur l’île de Vancouver. Nous repartons le mardi 20 septembre, le cœur un peu lourd, mais heureux d’avoir déjà parcouru tout ce chemin. Nous embarquons sur un premier bateau nous conduisant sur l’île de Vancouver. Après un peu de vélo sur l’île, nous prenons notre deuxième bateau en fin de journée. Cette fois ci, c’est pour les Etats-Unis ! Bye bye Canada, welcome in USA !

 

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