Arrivée au GREB
Jeudi 18 Aout, en milieu d’après-midi, nous faisons escale à la Baie, petit port industriel sur les rives du Fjord du Saguenay. Encore échauffé par les côtes du parc des Grands-Jardins, nous profitons d’une pause pour trouver l’adresse exacte de notre destination finale de la journée : le GREB (Groupe de Recherche Ecologique de la Baie). Situé une petite dizaine de km plus loin, notre arrivée sur place nous parait magistrale ! Après avoir longé le magnifique fjord du Saguenay, nous empruntons finalement un petit chemin de gravier. Nous nous élevons pour mieux contempler la beauté du décor puis les chiens nous accueillent, suivi immédiatement par Aurore, une des woofeuses de l’éco-hameau, qui semble déjà faire partie de la grande famille des Gilbert-Thévard, nos hôtes ! Nous ne nous connaissons pas, mais l’accueil est tout de suite très chaleureux.
A peine passé le pas de la porte, un subtil mélange d’odeurs d’épices et de légumes nous assaille. Nous débouchons alors sur la cuisine dont l’immense table est enfouie sous un festival de légumes multicolores. Nous rencontrons alors Marie-Thérèse, maitresse des lieux, ainsi que les 3 filles de la maison : Marie, Anne et Aline. A cela s’ajoute aussi 2 autres invitées en woofing, Mélanie et Julie. Peu de temps après, Pierre, figure emblématique des lieux, rencontré auparavant pendant le Forum Social Mondial, nous rejoint ! Cela fait beaucoup de prénoms à retenir d’un coup !
A peine remis de nos émotions, nous filons sous la douche, un peu honteux de notre état qui nous semble insulter ce petit paradis ! La soirée sera tout aussi douce à nos sens, le contenu de la table à manger si généreuse se retrouvant maintenant dans nos assiettes, mais aussi grâce à la si chaleureuse ambiance familiale de nos 5 hôtes et des 3 woofeuses!
Découverte du GREB et de ses innovations
Nous profitons du lendemain pour mieux explorer et comprendre ce petit écosystème ! Pierre nous fait visiter les environs, tout en nous racontant la création du GREB dans les années 90 : au départ, sur une parcelle semi forestière et semi pâturée, 6 familles entreprennent de créer un lieu de vie communautaire et d’expérimentation, axé autour d’un mode de vie dont les valeurs sont avant tout humanistes et ouvert sur le monde. Le but ici est de mettre leurs recherches en pratique dans la vie de tous les jours afin de valider des méthodes alternatives réellement applicables en vue d’un monde post-pétrolier… une sorte de laboratoire de la vie de l’après !
Nous découvrons les 6 maisons de paille, auto-construites selon la méthode en ballots de paille établie par le collectif. Cette méthode qui utilise uniquement des matériaux locaux (du bois et de la paille) donnera lieu à plusieurs ouvrages et sera largement appliquée au Québec et en France. Dans ces maisons, l’efficience énergétique semble être le maitre mot, et la climatisation écologique du bâti prime avant tout. Pierre nous présente, en autre, la pièce centrale de sa maison : le foyer de masse. Au premier abord, cela ressemble simplement à une grosse colonne de brique située en plein milieu de la maison. Mais à y regarder de plus près, on constate qu’il s’agit aussi d’un poêle à bois. Pierre nous explique qu’avec un tel foyer, on maximise l’utilisation de l’énergie issue de la combustion du bois : en optimisant le tirage à travers celui-ci, le feu et l’air chaud chauffe à leur tour la colonne de brique. Cette dernière, disposant d’une masse importante, rayonnera la chaleur accumulée à travers toute la maison pendant un laps de temps bien plus important que celui d’un simple feu de bois. Tout cela par effet d’inertie. Une méthode plutôt pratique pendant les longs hivers québécois !
Nous poursuivons notre visite en nous dirigeant à travers le magnifique jardin potager familial. Similairement à la maison, les synergies sont encore une fois maximisées ici. D’inspiration permaculturelle, le jardin assure l’autosuffisance en fruits et légumes de la maison tout au long de l’année. Les légumes poussent en abondance et occupent une bonne partie de la journée les woofers et Marie-Thérèse. Et à chaque saison, son activité ! Le printemps et l’été sont dédiés aux travaux du jardin, l’automne et l’hiver, c’est plutôt la transformation des produits sous toutes leurs formes : fermentations diverses, conserves, confitures… les techniques de conservation employées ici sont variées ! Nous n’avons pas pu voir la cave, mais, selon les dires de nos hôtes, certains légumes de la saison peuvent y être stockées sans congélation pratiquement jusqu’à la fin de l’hiver. Par ailleurs, nous avons pu déguster au petit-déjeuner leur confiture de courgettes et de fruits rouges du jardin préparée pendant l’hiver. Un délice ! Enfin, tout ici est recyclé afin de fermer autant que possible le cycle des nutriments du foyer : on aperçoit parfois la sciure de bois des toilettes sèches épandue dans les plates-bandes après compostage. Juste à côté du jardin, nous trouvons aussi des poules et des chèvres. Les premières pour les œufs et un peu de viande, les secondes pour produire du fromage. Tout a son utilité et l’agencement des uns et des autres semble avoir été savamment orchestré. Le bon-sens règne ici !
Nous poursuivons notre balade matinale en remontant le pré où se trouvent les chèvres. Pierre nous montre l’étendu de l’écohameau. Celui-ci est en train de s’agrandir et de nouvelles maisons viennent progressivement s’ajouter à celles existantes. D’autres projets sont aussi en cours : une maison d’accueil et de formation est prévue pour les prochaines années et des parcelles sont en cours de remaniement pour pouvoir augmenter les surfaces cultivées sur place selon des méthodes agroforestières. Nous discutons aussi de la région du Saguenay et de ses environs, de son environnement et de son économie. Dans l’écohameau tout le monde travaille dans les villes les plus proches : la Baie, Saguenay ou encore Chicoutimi.
Après cette petite balade à travers l’écohameau, nous retournons à la maison de Pierre. Des notes de musique résonnent sur place et on se dit tous les trois que, vraiment, il semble faire bon vivre ici ! L’après-midi sera plus calme et nous profitons d’être posé à un endroit pour réfléchir à la suite de notre périple : nous entamons déjà la prise de contact avec les associations du côté de la Colombie Britannique. En fin de journée, nous partons sur les bords du fjord histoire de tester nos nouveaux shorts de bains. L’eau est un peu fraîche mais la baignade est agréable !
Projection en bonne compagnie
Le soir, un repas festif chez les Gilbert-Thévard est organisé avec les amis et les voisins de l’écohameau, afin de préparer le terrain pour notre projection. Après avoir percé un trou dans une poutre pour y accrocher notre tarp-écran et organiser un tirage au sort pour l’ordre de passage sur le vélo générateur, le public se met doucement en place dans un joyeux désordre. Au programme ce soir-là, le film Demain. La projection se passe au mieux : tout le public pédale et nous n’avons même pas besoin de venir en aide ! A la fin de la projection, nous échangeons sur différentes thématiques liées au film et entre-autres de la notion d’esclave énergétique, un concept permettant d’imager ce que représente un besoin énergétique en termes d’effort physique. Notre système de vélo-projection semble encore plus adapté à cette comparaison. En effet, il permet de ressentir directement ce que représente un effort d’environ 50 watts ! Du coup, nous nous amusons à quelques comparaisons. D’ailleurs, en voici une pour vous : sachant que la consommation énergétique totale d’un pays par habitant avoisine le 6000 watts en 2013 en Suisse (et dans une majorité de l’Europe), et que les ménages en sont responsables pour environ 30% cela reviendrait à ce que 40 personnes pédalent en permanence pour couvrir les besoins énergétiques d’une personne de votre ménage ! [1] [2]
Nous nous couchons la tête pleine de réflexions et d’images de cette journée si inspirante !
Réflexion sur le monde de demain
Le lendemain matin, pendant l’essentiel de la matinée, nous discutons à nouveau tous ensemble autour de la table. La discussion prend un cadre assez large.
La réflexion sur un mode de vie nordique post-pétrolier semble être réellement au cœur de leurs préoccupations, ce qui mène le GREB à développer ses propres recherches et à s’engager dans la politique québécoise sur différentes thématiques, telles que la transition énergétique, l’urbanisation, l’écologie, la gestion de leur ressources naturelles et la foresterie.
Pierre nous parle de leurs réflexions sur la relocalisation de centres de vie et de production à petite échelle. En effet, à l’inverse de l’Europe possédant de nombreux petits villages éloignés d’environ 5 km, le Québec s’est développé avec le pétrole, favorisant la création de villages plus distants et dépendants de zones commerciales et industrielles centralisées qui rayonnent à une échelle bien plus importante. De plus, le pétrole, faisant prospérer une économie de plus en plus globale, a également favorisé la création de politiques de standardisation des produits, profitant aux plus gros aux dépens des petits producteurs locaux. A ce sujet, Pierre nous parle de son frère qui entame une marche protestataire entre les villes de Chicoutimi à Montréal (550 km!), la Grande Marche du Bizz, suite à la condamnation de son épicerie bio à une amende de 71 000$ pour une question de remballage de produit bio ! Pour Pierre, il semble donc clair que la relocalisation de notre économie et de nos systèmes de production à une plus petite échelle est un élément clé pour un monde post-pétrolier plus résilient.
Il nous propose ensuite des solutions basées sur une économie et urbanisation plus locale, tel que le projet Négawatt, prônant une réelle sobriété énergétique aux seins de ménages et des villes en limitant la consommation superflue d’énergie dans notre quotidien. Les énergies renouvelables doivent être favorisées et, dans ce sens, l’importance de la foresterie pour le Québec et le Canada est également abordée. Le bois apparait comme une ressource indispensable pour le chauffage et représente une économie importante pour le pays. De ce fait le GREB est très actif sur les questions liées à la bonne gestion des forêts boréales. Sur ce sujet, il se montre très critique vis-à-vis du film « L’erreur boréale », documentaire québécois sur la gestion forestière ayant révélé l’impact des coupes rases. En effet, l’écosystème forestier est extrêmement complexe tant les enjeux sont divers : hotspot de biodiversité, ressources énergétique, lieu de récréation, etc. Pierre prône donc une planification intelligente de ces ressources et s’oppose de ce fait à la vision de certains courants écologistes (« deep ecology ») quant au retrait total de l’intervention humaine dans certains endroits.
Energies propres, restructuration de nos villes, de nos circuits d’approvisionnement et de notre économie, changement de mentalité et de mode de consommation semblent donc bien être les mots clés du monde de demain !
A la fin de la matinée, nous repartons finalement à vélo, bien inspirés par les discussions et l’accueil reçu au sein de ce charmant petit hameau.
[1] http://www.2000watt.ch/fr/societe-a-2000-watts/facts-figures/
[2] http://www.bfe.admin.ch/themen/00526/00541/00542/00631/index.html?lang=fr&dossier_id=00764
Si vous en avez le temps, quand vous serez dans le parc de Yosemite, prenez une journée pour grimper au Half Dome, si c’est autorisé. Peut-être les câbles sont-ils enlevés à cette époque de l’année et du coup la dernière partie n’est pas accessible. Glacier Point est un super point de vue, surtout au coucher du soleil.
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