Ségou
Ségou est l’ultime étape avant la frontière géographique avec la Guinée à plus de 15 km. C’est d’ailleurs ici que le douanier referme la barrière, mais pour l’heure elle reste levée car « c’est gâté ». Nous y ferons donc une séance douanière et surtout une marche de reconnaissance pour évaluer les difficultés qui nous attendent demain. Encore une fois, la route semble impossible, mais « ça vaut la peine d’essayer » comme dit Vincent, alors on y va !
Afia 2
Aller à Afia 2, c’est pas du gâteau, donc nous y allons. Nous y allons, certes, mais seulement avec le vélo cargo, la caisse du hibou et un minimum de bagages tassés dans des sacs à dos. Les trois premiers kilomètres de piste sont dantesques et il faut gravir les 250 mètres de dénivelé pour atteindre le plateau. Nous sommes obligés de porter vélo et caisse durant la presque totalité de l’ascension (Yoro tu as bien fait de nous accompagner). Une fois sur le plateau nous pouvons pousser avec soulagement, le vélo et sa caisse à nouveau bridée, sur les 8 kilomètres restants.
Au total, il nous aura fallu près de cinq heures pour parcourir ces 11 kilomètres. Sur le chemin, nous n’aurons croisé qu’un homme et son vélo surchargé de trois douzaines de poulets vivants et une femme en tongs, une bassine sur la tête et son enfant dans le dos. Ce plateau quasi inaccessible constitue, en somme, un no man’s land naturel où, malgré tout, quelques villages se sont implantés.
Notre arrivée est saluée par un « ça fait bien longtemps qu’un toubab n’est pas venu jusqu’ici. » Alors imaginez lorsque nous annonçons par la voix du chef de village la projection du soir. Il est 16 heures et un enfant nous interpelle « veux-tu aller à la piscine ? ». Ni une ni deux, nous suivons une ribambelle de gamins à travers les champs de paille. Enfin, ils nous guident comme des cabris dans une décroissance rocheuse et nous atteignons le lit d’un ruisseau ombragé. Et là, miracle, une petite cascade se déverse et creuse une vasque où nous nous baignons avec délice dans une eau limpide et rafraîchissante. Yoro y prendra sa première leçon de natation.
Trêve d’oisiveté, il faut préparer la séance qui, pour l’occasion, se déroule dans la maison même du chef de village. Belle affluence, mais surtout nous remarquons une femme d’une quarantaine d’années qui ne cesse de s’impliquer dans les débats avec des questions pertinentes. Nous la surnommons « la dame de fer ». Les hommes se taisent quand elle prend la parole. Cette ascendance sur les mâles reste si rare que nous ne pouvions la passer sous silence. Nous tenons notre leader pour la formation à la construction des foyers améliorés prévue le lendemain matin.
La dame de fer siège aussi au conseil municipal de Dindéfello auquel son village est rattaché. Situé en bas de la montagne, Dindéfello bénéficie de nombreux avantages qui sont inconnus des villages situés en haut de la montagne (Afia 2, Dandé…). Il s’agit administrativement pourtant de la même commune. La dame de fer défend donc, corps et âmes, les intérêts des habitants d’Afia 2, coupés du monde et abandonnés…
Dandé
Dandé n’est séparé d’Afia 2 que par deux petits kilomètres. Autant dire que le bouche à oreilles nous a précédé et que nous y sommes attendus. Tout est déjà réglé à notre arrivée : « bienvenue, vous pouvez vous installer là… » Ce protocole expéditif, nous ménage une large plage de temps libre et nous décidons de descendre jusqu’à Dindéfélo par le sentier qu’empruntent élèves et femmes se rendant au marché hebdomadaire vendre, karité, pain de singe, tamarin et arachides. Nous n’avons fait qu’un aller retour et c’est tant mieux. La descente (30 minutes) et plus encore la remontée (un peu plus d’une heure) sont épuisantes. Et dire qu’il s’agit du sentier des écoliers ! Ce courage nous donnera l’énergie d’organiser l’une de nos plus belles séances.
Retour sur Segou
Nous apprenons qu’une nouvelle piste vient d’être ouverte pour rejoindre directement Ségou par Afia 2. Allons y, puisqu’il s’agit d’un raccourci. Bien que nous soyons sur la descente, l’empierrement grossier et la pente trop prononcée nous obligent tantôt à pousser voire soulever, tantôt à retenir le vélo chargé.
Arrivée en début d’après-midi, la fatigue accumulée ces derniers jours nous impose une bonne soirée de repos chez Amadou Diallo, le chef de village, qui avait eu l’amabilité de stocker le reste de nos bagages dans sa modeste chambre, en plus de nous avoir accordé son hospitalité. Les gars de Cinécyclo « squattent » à nouveau la petite pièce… Mais où peut-il bien dormir pendant ce temps me direz-vous ? C’est bien simple, dans l’une des chambres de ses quatre femmes. On l’appellera « l’homme aux quatre gallons ».
L’hospitalité constitue, pour les sénégalais, un des fondements de la vie en société. Imaginez que vous arriviez à l’improviste chez le maire d’un village gaulois et qu’instantanément ce dernier vous offre le gîte (en général sa propre chambre) et le couvert, du rêve 🙂 !
Tanégué
C’est parti pour Tanégué via Dindéfélo. Yoro est fier de ses premiers 100 kilomètres parcourus avec Cinécyclo. Alain est fier de Yoro et Vincent, lui, ne fait pas le fier puisqu’il cumule un début d’insolation et une dysenterie. Endurci par une traversée du Sahara en vélo l’an dernier, Alain supporte aisément les 45 degrés qui n’affectent pas franchement notre Peul à pédales. C’est une première pour Vincent et l’arrivée à Tanégué sera pour lui bien laborieuse, mais il en veut le gaillard !
Le cousin de Yoro (alias DJ Fock ), nous accueille. Après une douche salvatrice, Vincent, épuisé, s’installe sur une natte à l’ombre et n’en resurgira que le lendemain matin. C’est donc sans son présentateur vedette que se déroule la séance du soir. Encore une fois merci Yoro car en solo? il aurait été difficile d’organiser la projection.
Koucoudjé
Vincent toujours affaibli, nous décidons d’écourter d’une journée la tournée pour rejoindre notre QG à Ibel. Heureusement, nous apprenons l’existence d’un raccourci via une piste qui n’est pas indiquée sur notre carte au 200 000 millième. Mais à mi-parcours, à Koucoudjé, la population déjà au fait de notre activité, nous sollicite avec tant d’enthousiasme, que nous ne pouvons refuser. Vincent prend sur lui de passer une nouvelle après-midi et soirée de convalescence en brousse. Le reste du staff, bien rodé, assure l’organisation et la population nous récompense par une large participation et un intérêt tout particulier pour le charbon de paille.
Au petit matin, nous sommes invités à la cérémonie des circoncis. Les hommes réunis à la mosquée accueillent les postulants. Le marabout vérifie qu’ils maitrisent certaines Sourates. Une fois l’épreuve réussie avec succès, les jeunes gens revêtent un caftan blanc et se dirigent vers une case ou l’infirmier les y attend. Aucune angoisse ou peur ne transparait sur leur visage, bien au contraire, on sent une sorte de fierté et pleurer serait honteux aux yeux de leurs camarades.
Retour sur Ibel
Encore une vingtaine de kilomètres et nous voilà de retour sur Ibel. Vincent tiendra encore le coup, chapeau. Qu’il est bon de retrouver un endroit familier. À n’en pas douter, la chaleur humaine et la gentillesse qui émanent de la famille Diallo, nous requinqueront tous au plus vite.
Et puis dès ce soir arrive l’équipe de tournage, Daniel le réalisateur et Sophie avec son indestructible 4×4 Pajero. Pour nous, c’est Noël après l’heure car dans ses bagages Daniel nous apporte, hormis quelques pièces de rechanges indispensables commandées, de délicieuses gourmandises préparées par Évelyne et Pierre, les parents de Vincent.
Nous commençons cette nouvelle journée par la préparation du mortier pour la construction du foyer amélioré. Puis dans l’après-midi, nous organisons une course de vélo un peu particulière puisque il s’agit d’une course de lenteur.
Aujourd’hui grand jour chez les Diallo, toute la famille participe à la construction du foyer amélioré dans la cuisine de Diéna (la maman). La technique acquise par l’exemple, d’autres foyers pourront désormais être construits dans le reste du village.
À partir de maintenant place au tournage et aux interviews des personnes exceptionnelles que nous avons pu croiser lors de notre tournée régionale. Pour en savoir plus, il faudra attendre la sortie du 52 minutes prévue début octobre 2016.
Néanmoins, nous n’en oublions pas pour autant la population d’Ibel pour qui nous organisons une nouvelle projection particulière et personnalisée en diffusant un montage de la fête des masques tournée dans le même village. Les spectateurs devenus acteurs se réjouissent et se délectent de cette initiative. Il faut savoir que dans la culture peule on aime « taquiner » et on pratique allègrement le « cousinage » sorte de moquerie basée sur le nom de famille notamment entre les Diallo et les Ba (comme le font par exemple Français et Belges ). Autant dire que le public s’est franchement lâché tout au long de la projection sur le grand écran.
Le meilleur souvenir restera les longues conversations à la veillée autour du feu avec « le vieux » Samba Diallo, le patriarche de la famille et son ami et complice Talibé Ba, le Muezzin, tous deux d’un esprit et d’une sagesse rares.
Landieni Peul
Petit aparté sur un secret de tournage à Landieni Peul. Dans ce village choisi pour que Daniel tourne une projection « type » du cinecyclo, l’accueil fut des plus morose. La cause, un différend avec un réalisateur sénégalais (Moussa Touré) qui n’aurait pas tenu ses engagements financier lors d’un tournage deux mois plus tôt. Le mot « cinéma », qui jusque là faisait briller les yeux, provoqua ici des grincements de dents… C’est bien notre veine, nous n’avions qu’une chance sur un million pour tomber sur un tel cas de figure et il fallut que cela arrive la seule semaine où notre réalisateur était disponible pour nous rejoindre… Daniel reviendra pour une autre session de tournage, bien heureusement.
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