Thiès (52km bitume, latérite)
Nous quittons Aba Ba sur une promesse, celle de lui envoyer, de temps à autre, des petits textos pour lui dire où l’on se trouve, si on mange bien, si l’on est en bonne santé. Bref toutes les petites attentions à destination d’une maman aimante.
Pour nous rendre à Thiès, deux possibilités s’offrent à nous. La première, en bitume de bout en bout, est l’axe principal pour se rendre à Dakar. Une nationale où ça roule, certes, mais très fréquentée et accidentogène. On dit non !
Notre itinéraire BIS est une piste en latérite avec ou sans sable qui se termine ou non sur du bitume. On a beau prendre les informations à droite à gauche, personne ne sait nous dire ce que nous réserve cette route.
Nos cartes n’étant pas suffisamment précises, on décide de se lancer à l’inconnu mais au bout de 5km : cul de sac. On retourne donc sur nos pas pour bifurquer un peu plus loin sur une piste en latérite. C’est la bonne route mais c’est une véritable planche à savon ! Du bon « ran-ran » comme on l’appelle ici à cause du bruit que font les véhicules quand ils roulent dessus. Imaginez une route en tôle ondulée avec comme seuls trottoirs de profonds bans de sable. Impossible de rouler à plus de 2km au risque de briser nos montures. Nous suivons donc l’ondulation de cette route sur 31km, sous une chaleur désormais accablante jusqu’à Tasset où, ô miracle, nous retrouvons le goudron : ça fait du bien ! Après un léger coma de 2h et un bon sandwich Cinécyclo (pain + corned beef + moutarde + oignons) on repart ! Les derniers 22km se font avec le vent de face, histoire de nous « finir » en beauté.
Nous resterons 4 jours sur Thiès en compagnie de Madame Diakhaté, Mansou et Ibrahima qui nous aident et passent un peu de temps à nos côtés. Nous logeons chez Mansou où se trouve une télé avec beaucoup de chaînes que nous regardons un peu plus chaque jour… Serions-nous en manque ?
Yoro découvre, en zappant, qu’une TV ne passe pas QUE des matchs de foot, mais aussi des documentaires et des films sur, entre autre, d’éminents philosophes, ce qui l’enchante au plus haut point ! Mais Kant et Hegel n’ont qu’à retourner aux vestiaires, car bientôt se tient les quarts de finale de la Ligue des Champions et c’est Barcelone qui joue (et se fera éliminer) ! Autant dire que c’est tout le Sénégal qui est en émoi.
Mboro (55km bitume)
Notre étape de liaison Sinésaloum – SaintLouis (la dernière du Cinécyclo tour avant le retour sur Dakar) se poursuit. 300 et quelques kilomètres de bitume. Comme sur des roulettes ? Attendez un peu…
Départ pour Mboro pour rejoindre la route des Niayes, une alternative à l’axe principal Dakar – Saint-Louis nous permettant, du moins on le suppose, de rouler « tranquilloux » jusqu’au désert de Lampoul. Mais une chose est sûre, en allant du Sud au Nord, c’est le vent qui nous attend… Donc pas d’illusion : on va en chier !
Après avoir vidé notre pharmacie pour assurer les premiers soins d’accidentés légers, croisés en chemin (scooter, pas de casque, bravo les gars !), nous voilà à Mboro où l’on est accueilli par Ndiouga Minete, Président de l’Association des Handicapés de Mboro et responsable d’un centre jeunesse situé dans le village de Mboro Plage, à 5km de là.
Mboro constitue, dans notre voyage, la porte d’entrée d’une nouvelle étape où l’accueil des populations sera beaucoup moins chaleureux que dans le Sud du pays. Nous devrons faire preuve de patience, de tolérance et surtout, nous mettre à l’unisson avec les habitants de ces zones méfiantes et réservées comme à l’image du chef de ce village qui sera le premier à refuser une projection Cinécyclo.
Les contrôles de polices fréquents et la vigilance des habitants nous font comprendre une autre réalité : la peur du terrorisme. À plusieurs reprises, cet axe fut emprunté par des Djihadistes fuyants vers la Guinée. Les représentants des différentes communes ont bien été prévenus par les instances compétentes : méfiez-vous de tous les étrangers et menez vos enquêtes !
De même, notre initiative spontanée de découverte et de partage sur le territoire ne sera comprise qu’après de longs échanges, justifications et explications détaillées auprès de nos partenaires (pour la majorité d’entre eux). Bien souvent, il faudra attendre la projection et l’impact auprès du public pour que nous puissions réellement gagner la confiance et la reconnaissance de ces derniers.
L’association Pro Sénégal nous donne cependant une belle occasion de nous réjouir par une projection devant plus de 90 enfants. Le centre n’en était pas à sa première expérience cinématographique puisque le village a accueilli, trois années de suite, un festival de cinéma, mis en place par l’association et la fondation italienne Cinemovel, dont j’avais pu croiser ses fondateurs à Rome, il y a de cela quelques années.
Le principe était pertinent puisqu’il s’agissait de mener des ateliers d’écriture et de réalisation cinéma avec les habitants du quartier et de diffuser, par la suite, la vidéo lors du festival (accompagnée d’autres films).
Le lendemain, on plie bagages : il est temps de partir, la couleur du ciel est maintenant orange… L’atmosphère est étrange et je sens qu’une menace pèse sur nous, de quoi s’agit-il… Un boutiquier nous explique qu’une tempête de sable, venant de Mauritanie, court sur nous… On va voir ça.
Darius Beye (32km bitume tempête)
C’est parti pour la première journée dans la tempête ! Expérience unique et ultra physique qu’on ne recommande qu’aux entêtés avides de sensations fortes, l’ étape la plus difficile rencontrée jusque là. La chaleur ambiante cumulée au vent de sable brûlant atteint les 50°C. Nous pédalons tant bien que mal, mètre après mètre, peinant à maintenir le cap face aux nombreuses bourrasques de vent.
Loin d’être le plus aérodynamique des vélos, le cinécyclo devient un réel fardeau. N’évoluant que sur de petits rapports de vitesse, je ne peux même pas me reposer durant les descentes tant le vent souffle fort. La visibilité est limitée et passé 11h, il fait déjà 45°C…
Après 4 longues heures de calvaire et à peine 27km de parcourus, on s’arrête dans ce qui semble être le plus gros bourg du coin (Diogo) en quête de nourriture, d’eau et d’une natte où s’allonger. Aucun restaurant dans le coin mais Daoda, le boucher du village, nous prend sous son aile et nous offre un succulent domoda.
Au moment de repartir, un gamin me montre mon pneu arrière du doigt : aouche ! Une vilaine déchirure sur 10cm orne le flan du pneu d’où sort une hernie qui manque d’éclater d’une minute a l’autre. La chaleur et une trop faible pression cumulée à une utilisation intensive sur les pistes et durant les soirées cinéma, auront eu raison de lui. Malheureusement, c’est le seul pneu que j’ai en stock, ayant fait l’impasse, par manque d’expérience, sur un secours, comme il est coutume de le faire. Pas de pneu aux alentours, la seule solution reste de trouver un autre bout de gomme et de faire une « calle » en espérant que ça puisse tenir jusqu’à la prochaine ville : Louga.
Il est déjà 17h, c’est normalement l’heure à laquelle on cherche où s’arrêter, mais on décide de s’avancer un peu, ce sera toujours ça de pris.
Nous nous arrêtons donc dans une case isolée aux abords de Darius Beye où il nous sera possible de récupérer… Un peu « rek » (seulement).
Lampoul (20km bitume tempête)
Au petit matin, mon pneu est à plat… La calle était bonne mais c’est une épine, nombreuses aux abords des routes de la région, qui est la responsable ! On re démonte et on recommence. Café, chocolat, clé de 15 : bon matin ! Nous qui voulions quitter tôt pour éviter la chaleur de la tempête…
Le journée sera encore plus physique que la veille, le désert se fait ressentir durement. Dunes, steppe aride, tornades et le bitume qui se recouvre de sable par vagues successives. Yoro sera lui aussi victime d’une de ces foutus épines ce qui nous obligera à réparer en pleine tempête.
« – Vincent, passe moi la chambre à air de secours !
– Heu… Elle est trouée aussi !
– Bon, au boulot ! »
On se vide des seaux complets sur la tête, mais 10 minutes plus tard, on est déjà complètement secs. La route est désespérément droite et vallonnée. Au loin, nous narguent des mirages d’eau et de fraîcheur !
À 13h, nous nous réfugions, exténués dans un petit village au bord de la route. Une famille peul nous accueille à bras ouverts nous offrant tout ce dont nous pouvions rêver dans de telles situations : eau, bouffe, lit, douche, thé et bonne compagnie ! Que demande le peuple ? 3h seront nécessaires pour reprendre nos esprits et nos forces avant de rejoindre Lampoul connu pour son désert et son festival de musique.
Le soirée se termine dans la case de Mamadou Sow, fils du chef du village, à regarder sur notre projecteur un film « détente » en petit comité et à réparer nos chambres a air de secours trouées.
Louga (70km bitume)
Départ à la fraîche : 6h ! C’est la première fois, en 5 mois qu’on se lève si tôt. Mais la canicule des derniers jours nous pousse à tenter l’expérience matinale. On ne sera pas déçu. Nous rejoignons Kébémer à 22km de là en un éclair pour y regagner la route nationale, plus monotone, qui nous conduira jusque Louga.
11h, voilà déjà 4, 5h que nous pédalons, les températures sont déjà insoutenables, une pause s’impose, jusque … 17h où il fait « beaucoup » plus frais (à peine 40°C environ).
Après avoir tenté, sans succès (et c’est bien la première fois) de dormir chez l’habitant dans les villages environnants, et après nous être fait voler (et c’est bien la première fois) nos bidons d’eau, nous optons pour la solution « auberge », légèrement dépités, dans la ville de Louga.
Après ces dernières journées usantes et ces quelques contrariétés mineures, le découragement se fait tout de même ressentir. Les « belles » rencontres se font rares, les arnaques et coups durs s’enchaînent, les problèmes techniques ne font que commencer… On cherche réconfort dans nos téléphones portables, mais nos « jokers soutiens moral » nous rappellent que « tout n’est pas rose ». Après tout, on l’a bien cherché…
Heureusement, le hasard nous conduit sur la route de Pape Fodé Diallo, qui a passé sa vie dans le développement et avec qui nous échangeons longuement. Il nous encourage chaleureusement et apprécie particulièrement le fait qu’un Sénégalais participe activement à l’aventure, ce qui nous remet du baume au cœur.
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