Bembou 65 km (bitume)
Nous ne ferons qu’une soirée étape à Bembou après une longue journée à pédaler. Projection ou pas, l’accueil par le chef de village reste tout aussi aimable et fraternel. Et puisque cette hospitalité « all including » nous ménage plus de temps à consacrer à l’observation de la vie rurale, si nous parlions du protocole du repas.
Bien sûr, pays musulman oblige, hommes et femmes mangent séparément. Le plat unique et commun est préparé et apporté par les femmes. Tout le monde s’installe autour en cercle soit assis sur un petit tabouret pour les adultes, soit accroupi pour les jeunes. Le plus ancien retire le couvercle et l’assistance découvre le menu. Sans surprise c’est soit riz, soit semoule. À l’intérieur, un bol contient la sauce d’accompagnement. Là aussi pas de franche surprise, c’est la plupart du temps à l’arachide ou aux herbes (feuille de baobab, nebedaye, etc). La vraie surprise serait de découvrir quelques légumes et exceptionnellement un morceau de poulet ou de poisson. Le doyen décide en fonction du nombre de convives s’il faut « diminuer « . Comprenez, retirer riz ou semoule. Il s’empare alors avec la main droite de la sauce et mouille avec parcimonie le riz ou la semoule restants. À ce stade, on se souhaite bon appétit (bissmila), certains mangent à la cuillère d’autres à main nue, tant que ce n’est pas avec la main gauche. Lorsqu’il y en a, chaque morceau de légume, de viande ou poisson est émietté pour être équitablement réparti. L’invité en reçoit généralement toujours un peu plus. Au cours du repas, selon l’appétit des convives, on peut « augmenter » en ajoutant sauce et riz ou semoule réservés. Dernier petit détail, les enfants maintiennent, en signe de gratitude, le rebord du plat principal entre le pouce et l’index de la main gauche durant tout le repas.
Bransan 55 km (piste latérite)
Pour cette deuxième étape de contournement du parc du Niokolo Koba, nous attaquons les pistes en latérite en lisières de la frontière malienne.
À mi-journée nous ferons halte chez l’oncle de Yoro à Kayan. Voilà trois ans qu’ils ne s’étaient pas revus ni même entretenus. Émouvantes retrouvailles durant lesquelles un peu de crédit téléphonique et la visite d’un « fils » voyageur (comprenez Yoro) aura permis de rapprocher une famille dispersée. Et pourtant ces deux villages ne sont distants que de 150 km à peine.
Nous faisons étape à Bransan après plus de 50 km à avaler la poussière de latérite. Ici le village est mixte Peul et Malinké, on y trouve un chef de village pour chaque ethnie. Le diplomatie étant de mise, nous atterrissons chez le Malinké qui représente l’ethnie majoritaire. Peu importe, le sens de l’hospitalité reste identique.
Belli Wamédaka 65 km (piste latérite) et 1 projection
Troisième journée pour cette étape de liaison entre Kédougou et la zone de Tamba. Encore une soixantaine de kilomètres à « bouffer de la poussière ». Nous entrons dans les villages à chaque fois comme de drôles d’extraterrestres à pédales. Ici, on ne voit pas beaucoup de blancs, alors imaginez quand ils arrivent en vélo dans ce village où la première localité voisine se trouve à plus de 30km de piste. En attendant le chef du village, la foule s’amasse, nous observe jusqu’à ce qu’un adulte parlant le français vienne à nous : « excusez-nous mais ici, on ne voit jamais de blancs ! » oubliant même de serrer la main à Yoro. Comme à l’accoutumée, le chef de village nous accueille par un « soyez les bienvenus » (bismilamo en poular). Le temps d’aller faire un brin de toilette dans le marigot et la soirée arrive, apportant la douceur de la nuit.
De retour de l’école, les enfants jouent avec de drôles de machines roulantes rivalisant d’ingéniosité qui nous interpellent autant que le vélo cargo peut les interpeller.
Ce village est l’un des villages cibles que le chargé de développement de la Direction des Parcs nous avait suggéré. Nous convenons donc avec le chef de village d’y organiser le lendemain une projection débat autour du charbon de paille. Ainsi une journée de repos bien méritée se profile.
La fraîcheur de la nuit nous surprendra et nous obligera à déstocker nos sacs de couchage. Au petit matin, nous aurons la surprise de nous apercevoir que l’huile de cuisson transportée dans une petite bouteille s’est solidifiée. Curieux contraste entre la canicule du jour au delà des 40 degrés et cette fraîcheur matinale. La conjonction de cet écart climatique, d’une hygiène sommaire, d’une alimentation peu riche et variée et de la présence permanente de la poussière de latérite développe en permanence des pathologies surtout chez les plus jeunes : presque tous déambulent la morve au nez !
Combien de fois nous a-t-on sollicités pour des médicaments. Que ce soit pour un rhume, une toux, des maux de tête, mais aussi des cas bien plus dramatiques comme des abcès dentaires, du diabète, l’hypertension, des glaucomes, etc… Dans ces zones où la pauvreté est omniprésente, le blanc est trop souvent assimilé au médecin ou à une ONG quelconque venant construire puits ou écoles. Difficile parfois de dire que nous ne faisons « que » diffuser des idées… D’ailleurs, « le blanc » se dit ici « Toubab« , déformation du mot « Toubib » qui en arabe signifie « le médecin ». La population rurale ne dispose d’aucune source de revenu pour se soigner et quand bien même, aucun médicament n’est disponible. Ce matin c’est une jeune fille avec une conjonctivite que l’on nous présente. Avec nos moyens du bord, c’est-à-dire un peu de collyre, nous réussissons à lui décoller les paupières et nettoyer les yeux. Et c’est tant mieux car ce soir c’est les yeux grands ouverts qu’elle assiste à la projection.
Gamon 45 km (piste roche et sable) + 1 projection
Gamon n’est éloigné de Belli que de 45 kilomètres. Mais chose notable, il n’y a pas âmes qui vivent entre les deux villages. Aussi, compte tenue de la distance sans possibilité de ravitaillement et pour éviter le pic de canicule vers 14 heures, nous décidons de partir de bonne heure. D’autre part, nous souhaitons arriver tôt puisque Gamon est notre deuxième village cible de diffusion en périphérie du parc.
Pari réussi, après une dizaine de chutes sur une piste défoncée et sablonneuse, quelques singes débusqués, nous y voilà avant 13 heures.
Présentation et formalités d’accueil habituelles. En prime, et pour la première fois, un présent nous est offert par le chef de village en gage de la gratitude accordée à ses invités. Il s’agit d’un superbe coq certainement le plus beau de la basse cour, présenté vivant, il sera préparé en notre honneur pour le repas de ce soir. Cette générosité inconsidérée au regard de notre humble présence nous déconcerte, mais surtout émule notre enthousiasme à redoubler nos efforts à tenter, ne serait ce que le temps d’une séance, d’apporter notre maigre soutien à ces populations cantonnées au seuil de la pauvreté, voire de la détresse.
Mansa Dala 10 km (piste sable) + 1 projection
À notre passage de bonne heure à Mansa Dala, après seulement une dizaine de kilomètres parcourus, nous sommes conviés à la cérémonie des circoncis. Et comme celle-ci durera jusque tard dans la nuit, nous acceptons volontiers cette étape improvisée.
Dès le début de l’après-midi, les jeunes circoncis (une quinzaine) font le tour des quartiers du village accompagnés par leur famille dans une procession tonitruante rythmée par les tambours des grillots, le chant des femmes et les cris des kancourans (esprits masqués). Sur chaque place publique, autour de chaque arbre à palabre, la procession fait une halte et dessine un grand cercle au milieu duquel on entame les danses traditionnelles. Vers 15 heures, hommes et femmes se séparent pour un repas communautaire sous un immense manguier. Le repas englouti, une nouvelle danse reprend où l’on verra même l’un d’entre eux entrer en transe et devoir être « maîtrisé » par d’autres du groupe. La procession reprend sa lente avancée et le rituel se perpétue jusqu’au milieu de la nuit où la lueur d’un énorme feu accompagne le trio de tam-tam.
Nous ferons ici une heureuse rencontre, celle de Famara Diawara. Famara est l’un des gardes du parc qui a participé à la présentation des foyers améliorés dans le documentaire que nous projetons tout autour du Sénégal. Ce documentaire s’appelle « Trees and Stove » et fut le fruit d’un partenariat entre l’ONG Purple Field Production et le groupement Sénégalais Kambein basé à Dar Salam.
Dar Salam 25 km (bithume) + 2 projections
Pour Vincent, Dar Salam est un retour aux sources du Cinécyclo. En effet c’est ici qu’il fit la connaissance de Tabby et Oumar deux fervents défenseurs de l’environnement qui se sont équipés d’une unité cinématographique à pédales. De cette passion commune, tant sur la thématique que pour le mode de diffusion, ne pouvait naître qu’une amitié sincère.
Alors ce soir, le Cinécyclo tour Sénégal prête main forte à l’association Kambien et se joint à eux pour une séance exceptionnelle. Tabby, Oumar et Hamady (un jeune de l’association) découvrent étonné notre manière de procéder : spectacle avant la projection, Maître de cérémonie (MC Vincent, MC Yoro…), chauffeur de salle : on tient à ce que tout le monde se sente à l’aise et passe un bon moment.
- Une journée supplémentaire ne sera pas de trop pour discuter des perspectives d’avenir des deux associations et mesurer le chemin parcouru depuis deux ans, et pourquoi pas, envisager à terme un partenariat en fonction des complémentarités et compétences acquises.
Tout ceci ne saurait occulter ces belles retrouvailles avec la découverte de la petite Nadia d’à peine trois mois, une autre » production » (et pas des moindres) des fondateurs de Kambien, ainsi que la joie d’avoir eu l’opportunité de fêter tous ensemble l’anniversaire de Tabby. Cette fête surprise faite de tam-tam et danseurs traditionnels se finira en apothéose avec l’intervention d’un nouveau type de danseur kankouran, le cinécycliste kankouran ! Trop vif pour être pris en photo, Alain s’est littéralement « lâché » ! Ce moment hilarant restera gravé, mais dans nos mémoires seulement. Désolé !
Salut Vince.
Quelle belle vie productive tu mène. Je penses très souvent à toi, au quotidien en observant notre mode de vie, la température, etc. et en les comparant à ce que tu écrit sur ton blog. Je me demande alors : qu’est-ce que Vincent fait en ce moment ? Comment vit-il? Qu’est-ce qu’il réalise de bien, là, maintenant ?
Amitié profonde