Après plus de 2 mois à sillonner les routes et pistes du Sud Sénégal, l’équipe de Cinécyclo s’apprête à quitter la région du Kédougou où de nouvelles projections se sont tenues. Cette zone montagneuse à 700 kilomètres de Dakar se trouve confinée entre les frontières Guinéenne et Malienne ainsi que la limite d’un parc National (Niokolo Koba) et traversée par une unique route défoncée. On y rencontre les communautés Bédique et Bassari, fières du maintien de leurs traditions animistes, mais c’est principalement les Peuhls qui occupent ici les plaines du fleuve Gambie et de ses affluents. L’électricité est quasi inexistante, les routes non asphaltées et la précarité y est parfois extrême. Pourtant, ces difficultés n’ont pas empêché Alain, Vincent et le jeune Yoro (un sympathisant de l’association habitant le village d’Ibel) de parcourir plus de 150 km, devant même, parfois, porter le matériel à bout de bras en haut de montagnes inaccessibles pour les vélos, dans le but d’offrir de nouvelles projections dans les zones les plus reculées du pays.
Ibel est le village « camp de base » de Cinécyclo où la famille du jeune Yoro Diallo, rencontré 2 mois plus tôt à Dakar, offre un soutien inestimable à nos deux aventuriers. Partage du logis et des repas, longues discussions autour du feu de bois, (qui, en absence d’électricité, permet d’occuper les soirées et maintenir une belle cohésion au sein des familles), rendent ce séjour, une nouvelle fois, inoubliable. Les Diallo sont « à part » dans le village. En effet, Mamoudou (l’un des frères de Yoro), que tout le monde appelle ici « Vieux », est l’un des premiers bacheliers à quitter le village pour rejoindre l’université de Dakar. Aujourd’hui en thèse de littérature anglaise, Vieux préside l’association des étudiants de Kédougou et encourage la jeunesse à poursuivre les études. Vieux et Yoro sont tous deux venus pédaler sur le cinécyclo, lors de la projection inaugurale à Dakar en octobre, avant même le départ officiel du Tour. Vieux avait alors interpellé l’équipe du CTS lors de sa conférence de Presse, en les invitant à passer dans son village. « Vont-ils venir ? Passeront-ils dans notre village ? », quelle belle surprise lorsqu’ils ont vu débarquer les deux vélos de Cinécyclo, désormais bien connus dans la région.
Yoro a 26 ans. Lui aussi a tenté l’aventure estudiantine à Dakar, malheureusement, il n’est pas passé en deuxième année et faute de moyen il est retourné chez ses parents à Ibel. Spontanément, le jeune Yoro (prononcer Yéro) s’est tout de suite proposé pour servir d’interprète lors des projections et de guide dans la région. De deux cyclistes, l’équipe est donc passée à trois et c’est tout naturellement qu’au bout de trois semaines à sillonner le Bandé et le Fouta (les deux massifs autour d’Ibel), Yoro a exprimé son souhait de continuer l’aventure aux côtés des « gars » de Cinécyclo jusque Saint-Louis. Partir ainsi en vélo sur 2000 kilomètres et pendant 4 mois n’est pas vraiment habituel pour un sénégalais. De plus, son vélo « de brousse » ne tiendrait pas vraiment la distance : pas de vitesse, roues voilées, presque tous les axes tordus et usés jusqu’à la corne. Dans le jargon, on appelle ça un vélo qui roule « carré ». Même si ce n’était pas au programme, Alain et Vincent accueillent avec grande joie ce nouvel équipier, fiers de voir un jeune sénégalais s’investir dans ce projet, prêt à relever de nouveaux défis ! Le vélo de brousse laisse place à un vélo « original » (comprendre, seconde main provenant d’Europe) déniché dans un marché de Kédougou après deux jours de prospection. Les mains dans la graisse pour l’entretien des 1000km, l’équipe du Cinécyclo Tour du Sénégal s’apprête donc à quitter cette région enclavée à trois, après 12 nouvelles projections, 24 nouvelles personnes formées à la fabrication de foyers améliorés, 1 foyer construit et plus de 1500 nouveaux spectateurs !
Soyez le premier à commenter